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jeudi 5 mars 2015

Aborder la séparation par le toucher

Quand Karine Stock m’a dit qu’en tant qu’haptonome, elle pouvait aborder le sujet de la séparation en réunion à thème, ça m’a de suite interpellée. Parce qu’on aborde cela de bien des façons mais je n’avais jamais envisagé de le faire par le toucher.
Comment accompagner l’enfant à se séparer, quand son parent le confie à une tierce personne ou qu’il le couche le soir ?
Karine est donc intervenue sur ce sujet fin janvier. Elle a expliqué les différentes étapes du développement de l’enfant, qui entrent en cause dans la démarche de séparation.
Par exemple, avant 6 mois, bébé croit qu’il fait partie de sa mère. Puis, petit à petit, il comprend qu’il est une personne à part entière. D’où l’angoisse du 8ème mois (qui peut survenir avant ou après l’âge des 8 mois), quand bébé croise un visage étranger, qu’il vit une situation nouvelle ou que son parent s’éloigne. C’est normal ! C’est une étape qu’il vit, qu’il faut accompagner et qu’il traversera. ça le fait grandir. Ensuite, il acquière sur plusieurs mois ce qu’on appelle la permanence de l’objet : il comprend que l’objet ou la personne existe, même s’il ne le voit pas. Le jeu de cache-cache est top à cet âge là : « je suis caché, tu ne me vois pas, ah me revoilà ! » ou quand l’enfant s’amuse à jeter son doudou de la poussette, il ne le voit plus. On le lui redonne, le revoilà ! Et souvent, il recommence ! ça nous agace mais c’est dans la répétition qu’il assimilera et puis, en faisant ça, il crée un lien, un jeu avec l’adulte : il aime ! Bon, on est en droit de lui dire « stop » à un moment quand même :-)
Mais du coup, il comprend que son parent qui s’éloigne, existe toujours et qu’il va revenir.
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Avant 8 mois environ, l’enfant ressent une angoisse de morcellement : il se croit en pièces détachées. Il a besoin de toucher ses mains et ses pieds pour prendre conscience de la construction de son corps.
L’enfant a passé neuf mois de sa vie dans un milieu liquide, maintenu de toutes parts par la pression amniotique, sans être soumis à la pesanteur. Puis il est violemment projeté dans le monde aérien. Cela peut provoquer chez lui une angoisse de « chute sans fin », tant qu’il n’a pas le sens intime de sa peau et de ses limites corporelles propres. (Hélène STORK, « ENFANCE (Les connaissances) – La petite enfance », Encyclopædia Universalis)
L’enfant a donc besoin de se toucher et d’être touché pour être rassuré.
Karine et Déborah Dassi, monitrice de portage « Aux portes du coeur », ont insisté sur l’importance de bien porter l’enfant :
- le soutenir par la base : une main sous les fesses pour que bébé sente son poids reposer sur quelque chose,
- ne pas le porter sous les aisselles, jambes pendantes : imaginez-vous suspendu au-dessus du vide !
- garder bébé contre soi aussi longtemps que possible quand on le prend ou qu’on le pose, l’accompagner, pour éviter cette angoisse de chute. Oui, ça demande de se baisser du coup.
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Karine a ajouté qu’il fallait que les parents se sentent en confiance quand ils confient leur enfant, qu’ils n’hésitent pas à parler de leurs éventuelles angoisses à la personne qui s’occupera de leur bébé, qu’ils expliquent aussi ce qu’ils ressentent à leur petit, avec des mots simples, en ajoutant que c’est une étape et qu’ils vont y arriver, que tout se passera bien. Prendre le temps de se dire « au revoir », donner des repères temporels à l’enfant : « je viens te chercher après le goûter », ne pas partir en catimini sinon le loulou aura le sentiment d’avoir été abandonné quand il réalisera que sa maman ou son papa est parti… et ne pas revenir : si l’on part et que l’on revient pour un dernier bisou, ça envoie comme message : je suis inquiet.
Elle nous a aussi expliqué qu’en haptonomie, le regard est un toucher à distance. Il est donc bon pour que l’enfant se sente enveloppé, contenu, sécurisé, de lui parler en le regardant dans les yeux.
A partir de 20 secondes, un câlin a un effet thérapeutique sur le corps : il produit de l’ocytocine. Cette hormone permet de se détendre, de se sentir en sécurité et de calmer craintes et anxiété. On ne peut donc que recommander un câlin au moment de se séparer, pour se dire « au revoir ».
La tierce personne qui accueille l’enfant a un rôle important aussi : rassurer le parent et j’ajouterais : ne pas se sentir dévalorisé ou autre si le parent a des craintes. Il ne remet pas en question nos compétences mais il a peur et est sûrement triste. Rassurer l’enfant aussi. Et accompagner la séparation, en respectant la bulle proximale de chacun. Et là, un grand merci à Karine : on n’y faisait pas forcément attention… Quand le loulou est dans les bras de son parent, qu’il est l’heure de se quitter, on s’approche d’eux, on tend les bras et on prend l’enfant. La bulle proximale, on la connait mieux sous le nom d’espace vital. Pour que la séparation se fasse la plus douce possible, il faut que le parent, l’enfant ET la tierce personne ouvrent leur bulle. Il faut que chacun soit prêt à laisser l’autre s’approcher. Si je prends le bébé des bras de son parent qui n’est pas tout à fait prêt, bébé ressent le malaise de sa maman ou de son papa et ne sera pas dans les meilleures conditions pour dire « au revoir ». Si j’accueille l’enfant sans être prête, il risque de le ressentir aussi. Donc prendre le temps. Ne pas se précipiter. J’attends maintenant un signe du parent ou de l’enfant pour tendre les bras et je m’approche toujours d’eux doucement.
On a vu que le toucher rassure, calme, apaise. Karine nous a conseillé de faire des massages en jet d’eau sur le dos de l’enfant : en gros, faire descendre ses doigts le long du dos du loulou, doucement, plusieurs fois. J’ai essayé à la crèche, avec un enfant âgé de 18 mois qui avait un gros chagrin suite au départ de sa maman. Je lui ai proposé de venir sur mes genoux et j’ai fait ces petits massages, en lui laissant le temps de se calmer. ça me paraît important d’ajouter que je ne lui ai pas demandé d’arrêter de pleurer. Lui dire « arrête de pleurer », c’est lui renvoyer l’idée qu’il n’a pas le droit de le faire. Ce qui n’est pas le cas. Il a le droit d’être triste et de pleurer. Et ça fait parfois du bien de pleurer. De plus, si l’on ne permet pas à l’enfant de vider son sac émotionnel, le prochain chagrin risque d’être plus fort (le reste du 1er chagrin + le second = chagrin ++). Idem pour la colère. Et cet enfant s’est apaisé. J’ai réitéré avec un loulou encore dans les bras de sa maman : en lui faisant ces petits massages, il s’est détendu et j’ai pu lui proposer de venir avec moi.
Avant le coucher, il peut être bon de faire un massage à son enfant, pour le relaxer. Ou de le bercer : de droite à gauche et non d’avant en arrière car ce dernier mouvement stimule l’activité…
Karine nous a montré un bercement ample. Comment vous dire …. Tout le monde a été impressionné lors de la réunion ! :-) L’idée, c’est que quand l’enfant est agité, énervé, on le berce amplement pour se caler sur son  niveau d’énergie. Petit à petit, il va se calmer et le rythme de notre bercement aussi. Pour au final, devenir un bercement léger et doux. ça, il faut l’apprendre avec un haptonome. On peut pas le faire comme ça, n’importe comment, à mon sens. Il faut bien se positionner et placer ses mains correctement sur bébé. Et expliquer aux gens autour ce qu’on fait parce que quelqu’un qui ne saurait pas, pourrait se poser des questions ! :-) Mais c’est intéressant.
Il y a plein de petits trucs pour aider au coucher :
- le préparer, avec une ambiante plus douce au moment du repas, peu de bruit, lumière tamisée,
- on a parlé du massage, on peut aussi proposer un bain aromatique,
- ritualiser : histoire, comptine…
- chuchoter des mots d’amour, etc.
Et si il y a des difficultés à la séparation, au coucher notamment, il peut être bon de se demander si la grossesse ou l’accouchement (qui est la première séparation) ne pourraient pas avoir un lien. Si l’un des deux a été mal vécus, même si on a l’impression de l’avoir digéré : est-ce la cas au fond… peut-être pas pour bébé. Karine propose de travailler sur le vécu émotionnel. Beaucoup de personnes l’ont rencontrée pour cela et les témoignages sont très positifs. ça peut être une piste.
Moi, je suis convaincue par l’haptonomie, pendant et après la grossesse. On crée un lien, on transmet beaucoup, on communique par le toucher.
A la réunion, un papa témoignait : il a accompagné sa femme lors de sa grossesse à des séances d’haptonomie et il racontait qu’il avoir pu construire un lien avec son bébé in utéro, parce que lorsqu’il posait sa main sur le ventre, bébé s’approchait, par exemple. Et du coup, quand son petit est né, il avait le sentiment de déjà le connaître et a été plus serein lors des séparations. J’adore !

 http://madamegazouille.fr/2015/03/aborder-la-separation-par-le-toucher/